Sanacore « soigne-cœurs » en napolitain, c’est ainsi qu’on appelait la belle Dame du temps du Fin amor…Et pourquoi ne pas commencer par Naples, dont les dominations grecque, romaine, aragonite, savoyarde, lombarde, autrichienne, française, j’en passe, déposèrent leurs sédiments dans l’architecture, la culture et la langue. Les quatre chanteuses franco-italiennes, en choisissant ce nom il y a une vingtaine d’années, optaient pour l’altérité, le brassage, l’amour et la consolation. D’où un répertoire très libre qui circule à travers l’histoire, les langues, dialectes et influences diverses.
Anne-Eléonore Bovon – Anne Carcenot, Christine Laveder -Tania Pividori ont fondé leur quatuor vocal sur les traces et avec la complicité de Giovanna Marini, leur enseignante à Paris VIII à la belle époque.
La plaine du Pô, la Lombardie, la Toscane, les Abruzzes, les Pouilles, Naples, Florence, Venise, l’antique Lucanie, le Latium, la Sicile, la Sardaigne… Leur répertoire reprend, arrange, déplace des chants « populaires » de la mosaïque italienne. Chants de prisonnier, de mineurs, chants de mondines, ces piqueuses de riz d’Emilie romane, lamentations, chants d’amour bien sûr, berceuses…
Mais aussi des créations : musiques de Giovanna Marina, musicienne, chanteuse, ethnomusicologue, aimée de Paoslini, de Vincent Bouchot, chanteur, compositeur, spécialiste de Georges Perec et de Jules Verne, d’Eléonore Bovon, auteur et chanteuse, Christine Laveder, musicienne chanteuse et conteuse…
Sur des textes de Tania Pividori, chanteuse, compositrice, improvisatrice, d’Anne Quesemand, auteur, metteur en scène, réalisatrice, Georges Perros, écrivain, comédien, Pasolini et Ritsos, deux qu’on ne présente plus.
Elles disent jeter des passerelles, ensemencer écriture et oralité, se relier à la « mémoire immatérielle ». Mais quelle est-elle, où se love-t-elle, comment évolue-t-elle ?
Juste des voix a cappella, mais si typées qu’on dirait des instruments reliés entre eux par une mystérieuse appartenance familiale. Quatre voix très singulières, leur inventaire de couleurs, d’inventions, leur catalogue de variantes, leurs registres. Et puis il y a toutes les combinaisons possibles : du solo au quatuor, de l’unisson à la polyphonie qui créent des timbres étranges, voire déroutants ou méconnaissables.
Des tessitures libres qui virevoltent de l’extrême aigu aux graves tragiques.
Les chants mélangent aussi les langues, les dialectes, les mélodies, les modes. Métalliques, harmonieuses, suaves, puissantes, dissonantes austères ou baroques, dans ces successions ces empilements, ces superpositions, les voix, du chant, du bourdonnement à la déclamation, se sont transformées au fil du temps, de la pratique et de l’écoute.
Un double disque anniversaire pour tendre le fil de la mémoire immatérielle, immémorielle, de la nuit des temps à nos jours, transmettre l’élan et l’énergie de l’éternel populaire à la création contemporaine.
Catherine Peillon
(in Présent Continu – Le webzine de la création musicale par Futurs composés)
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