Voici 4 chroniques écrites dans le cadre de La Vie Continue sous l’impulsion de Ninon Valder avec le festival Villes des Musiques du Monde, les artistes du Collectif MDM IdF proposent SALONS DE MUSIQUES une série d’émissions live, tous les mardis de juin à 19h, et accessibles en podcast sur la Radio Terre de Mix – 90.1 FM www.mjclimours.fr
https://www.mjclimours.fr/salon-de-musique-la-vie-continue/
Réalisée à partir de la plateforme de visioconférence Zoom, les Salons de Musiques sont des fenêtres ouvertes sur le monde, des lieux de partage et d’échange, où l’on crée de nouveaux rituels, de la musique, des pensées, des poèmes, tous les ingrédients d’une recette joyeuse pour rêver et créer demain
Chronique 1 – La vie continue – 2 juin 2020
Hier midi j’étais allongée en semi-méditation sur l’herbe d’un pré du bois de Saint Mandé
Les feuilles vert tendre du marronnier posées sur le bleu du ciel
Vert tendre sur le bleu, les couleurs d’un été naissant en somme
Des couleurs qui en cette période exceptionnelle m’en ont évoqué d’autres :
La colère noire des blouses blanches devenus nos héros pour un temps
Le tapis rouge pour toutes les éminences grises de nos gouvernements
Le feu vert pour les actionnaires de toutes trempes
La peur bleue de la page définitivement blanche pour les auteurs, les compositeurs faute de moyens
Et aussi toute la matière grise en action des artistes au travail pour arrêter de se faire des cheveux blancs pour leur avenir
Je pensais que le vocabulaire des mesures barrières est passé de distanciation sociale à distanciation physique, mais que pour nous artistes sur scène les deux options étaient encore valables
Je pensais que pour la 1ère fois tout le monde a fait Pâques au balcon.
Je pensais que le 1er tour des municipales a tristement marqué le début du confinement et que le mardi 30 juin – dernier mardi de nos 5 salons de musique – nous en aurons fini et avec les élections et avec la fermeture des salles de spectacles en Ile-de-France et qu’il était grand temps de bâtir à nouveau ensemble des espaces d’expression artistique qui seraient le fruit nos désirs et de nos audaces.
Une reprise des spectacles est annoncée, mais comment ? Comment recommencer ? Où, devant qui ? Comment se réapproprier les lieux, et comment en inventer d’autres ? Et avec quels moyens ?
Nos gouvernants nous disent « Osez ressortir, osez consommez » Nous sommes appelés à consommer les 60 milliards d’euros épargnés pendant cette crise.
La culture est elle aussi entrée depuis longtemps dans cette économie de marché,
on la rentabilise au lieu de l’offrir, on l’industrialise au lieu de la laisser à ses fabriques artisanales, on la financiarise au lieu d’arrêter toute spéculation
Alors mettons de côté tous ces néologismes pour revenir à un contact direct avec nos pratiques et nos publics. Pour revenir à cette culture qui permet d’inventer à partir de nulle part, pour retrouver des formes qui remettent l’art au cœur de notre quotidien, des petites formes adressés au public, pour une culture de l’humain, plurielle, riche de différence et de diversité.
Ces musiques et danses interrogent l’intime de chacun : la mémoire des chants que l’on nous a transmis, la mémoire collective du pays, d’une famille, le geste qui va avec, le pas de danse qui va avec, les images et les émotions qu’elles suscitent et réveillent, la main qui bouge, puis le pied, puis tout le corps.
Alors écoutez, écoutez-nous, écoutez-vous à travers : la musique de la langue, la mélodie des mots, la frappe sur les instruments à peaux, la musique des corps, les souffles qui conversent.
Pas besoin de grands fauves à enfourcher ou de sandwich mixe pour alimenter nos imaginations. L’invention et la fantaisie sont nos compagnes de route, elles battent au quotidien la pulsation nécessaire à nos créations.
Alors laissons ces rencontres publiques s’ouvrir à l’infini.
L’infini qui aujourd’hui ne sait compter que jusqu’à dix – je vous l’accorde – mais nous avons bon espoir que ça change. Et soyons ensemble extravagants pour rêver d’une culture sans limite, car l’on meurt aussi de ce qui nous réduit.
La vie continue.
A mardi prochain !
Chronique 2 – la vie continue – 9 juin 2020
Au 244, boulevard de la villette à Paris dans le 19eme arrondissement il y a un bar qui s’appelle « Tout va mieux », et je ne pense pas vu la vétusté de l’enseigne que les propriétaires aient changé le nom après le déconfinement.
Alors, ma question d’aujourd’hui c’est est ce que tout va mieux ou pas dans ce presque monde d’après :
Je ne fais jamais de listes pour aller faire mes courses, je n’aime pas les listes, je fais les courses au gré de mes envies. Toutefois, pour m’auto contredire je vais faire une liste de nouvelles post confinement, glanées au gré de mes envies, de nouvelles sans rapport les unes avec les autres quoique.
Plusieurs grandes villes, régions, départements ont décidé d’offrir des spectacles au public cet été. Les spectacles seront gratuits, et les artistes se verront attribuer des subventions afin qu’ils puissent se produire avec des petites formes, un coup de pousse non négligeable pour nos métiers.
Tout va mieux ou pas
Après avoir aidé à produire du gel hydro alcoolique en dépit des risques pendant la pandémie, les 128 salariés de la sucrerie de Toury dans l’Eure et Loir vont être licenciés le 30 juin.
Tout va mieux ou pas
Les enseignants réclament en suant à grosses gouttes de gel hydro alcoolique par tous les pores : moins de protocole et plus d’école. Alors, le ministère de l’éducation nationale répond en faisant entrer les artistes à l’école avec un dispositif éducatif et ludique 2S2C (sport, solidarité, culture, civisme). Son objectif est d’assurer l’accueil des enfants sur le temps scolaire lorsque ces derniers ne peuvent être en présence de leur professeur compte tenu des mesures de distanciation à respecter.
Tout va mieux ou pas
En janvier 2020, le grand public pouvait acheter un masque chirurgical à 9 centimes d’euros. Le lundi 4 mai, les grandes surfaces ont mis en vente ces mêmes masques autour de 60 centimes l’unité, en affirmant le vendre à prix coûtant, et donc sans aucune marge pour le magasin. En 4 mois on peut donc calculer une inflation de 567 % !
Tout va mieux ou pas
A la radio, nous sommes passés en quelques jours, des débats autour du virus aux prévisions de croissance de la bourse et à la chute du PIB de 11%
Tout va mieux ou pas
A la mi-juin les TGV pourront être remplis à 100%, mais les théâtres devront continuer à avoir au moins un siège vide sur deux. Pour plus de rentabilité, pourrons-nous bientôt faire nos spectacles dans le train ?
Tout va mieux ou pas
Dans un rapport publié le lundi 8 juin, Jacques Toubon, le défenseur des droits, pointe je cite « une crise de confiance des citoyens à l’égard des forces de sécurité et appelle à une prise de conscience des autorités pour sortir des logiques guerrières ».
Tout va mieux ou pas
Faute de pouvoir reprendre le chemin de la scène immédiatement, nous autres artistes du collectif pourront nous produire dans le cadre des évènements que nous proposons grâce au collectif des musiques et danses du monde en ile de France, en partenariat avec villes des musiques du monde, la radio terre de mixes, la région Ile-de-France
ou bien faute de quoi nous irons noyer notre chagrin en terrasse
Tout va mieux. La vie continue. A mardi prochain
Chronique 3 – la vie continue – 16 juin 2020
Ça crève les yeux ! Après toute cette période de confinement il nous faut sans tarder nous jeter à corps perdu dans une activité physique. C’est bon pour le moral et aussi accessoirement pour les bourrelets.
Aussi, voici une chronique dite « De la tête aux pieds et autres expressions sur le corps humain » afin de nous remettre en condition.
Quand les humains obéissent au doigt et à l’œil et ressortent de chez eux, les animaux en un tournemain reprennent la distanciation physique nécessaire à leur tranquillité à l’égal des phoques de la pointe du Hourdel en baie de Somme qui ont vite compris qu’il fallait à nouveau quitter la plage.
Face à cette crise exceptionnelle doit-on connaître sa leçon sur le bout des doigts ou comme ces phocidés prendre ses jambes à son cou ?
Sans vouloir me croire sortie de la cuisse de Jupiter, je vais lister quelques nouvelles qui nous amèneront à y réfléchir.
Le président du Medef qui a le bras long fait les yeux doux au gouvernement afin qu’il dise aux Français qu’il est temps de retourner travailler et consommer.
Nous ne savons plus où donner de la tête avec tout ce que l’on nous ordonne de faire. Il nous faut prendre notre courage à deux mains et jouer des coudes pour reprendre le métro aux heures de pointe et surtout, surtout, ne pas couper les cheveux en quatre face aux informations contradictoires.
Pour citer Bertolt Brecht je dirais :
« Le peuple a perdu la confiance du gouvernement. Ne serait-il pas plus simple alors de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? »
Face au racisme qui éclate un peu partout, peut-on dire que la justice fait son devoir à la tête du client ?
Sur une trentaine d’enquêtes judiciaires engagées contre des policiers sur des propos racistes, huit ont été classées sans suite et vingt-deux ont été transmises à la justice.
Je voulais également citer Boris Cyrulnik qui loin d’avoir la tête dans les étoiles a récemment dit :
« Je suis un peu triste de voir que j’ai commencé ma vie en subissant un langage totalitaire, et que j’arrive au dernier chapitre de mon existence en voyant réapparaître un autre langage totalitaire »
Tout le monde se creuse la tête pour sauver la culture !
Les entrepreneurs du spectacle vivant réclament « un déconfinement total et sans distanciation pour une reprise véritable » dans leur secteur.
Mais à vue de nez la situation ne se débloquera véritablement et au mieux qu’à partir de septembre.
Il faudra se battre bec et ongle pour que le secteur culturel ne sombre pas.
Je vous le demande, peut-on dire que c’est se mettre le doigt dans l’œil que de vouloir doter le Centre national de la musique d’un montant de 50 millions d’euros, face à plus de 2 milliards d’euros de pertes subies par le secteur ?
C’est une mesure d’urgence, à peine de sauvegarde, mais en aucun cas de relance.
Dans ce contexte, en pleine crise, Canal+ se sépare de tous ses maquilleurs intermittents du spectacle. Étrange manière d’avoir la tête sur les épaules pour soutenir le cinéma français.
Et aussi, au cœur de cette crise – la nouvelle est tombée comme un cheveu sur la soupe – le violoncelliste Gautier Capuçon a été fort critiqué sur sa tournée d’été en proposant aux municipalités un récital solo allant jusqu’à 9800€ la prestation. On ne peut en rester que bouche bée. Il a finalement renonce sous la pression La solidarité n’a pas de prix.
Enfin, on peut quand même continuer à croiser les doigts car :
Et si manger du fromage nous protégeait des formes les plus graves du Covid-19 ? Une étude très sérieuse vient d’être lancée par des médecins hollandais. Ils ont constaté d’importantes carences en vitamine K chez les personnes les plus touchées par la maladie.
Les murs ont des oreilles. La vie continue. A mardi prochain !
Chronique 4 – la vie continue – 23 juin 2020
Il paraît que dans certaines langues il y a jusqu’à 7 façons de dire oui et parmi ces oui presque la moitié veut dire non. Il suffit juste d’être bien à l’écoute de sentir l’état de son interlocuteur et de décrypter le bon sens.
Oui ! c’est la réouverture des frontières
Mon amie Jeanne X a commandé en octobre dernier un meuble à la foire de Metz chez le marchand « Mobilier de Suisse ». Un meuble fabriqué au Portugal et bloqué depuis février dernier et aujourd’hui encore à Montreux en Suisse à cause du manque de traçabilité des 3 lumières led chinoises qui éclairent le dessous du plateau.
Vive la reprise !
Oui ! c’est la reprise
Le président du Medef a suggéré l’idée, pour « accompagner la reprise » de pouvoir «travailler un peu plus» dès la sortie du confinement, quitte à renoncer à quelques journées de congés.
Comme dirait Coluche :
Je suis capable du meilleur et du pire. Mais, dans le pire, c’est moi le meilleur.
Oui ! nous entrons dans des jours plus sereins, dans un avenir commun ou l’état nation protège ses citoyens à coup de mesures démagogiques, et de sécurité renforcée. Et tout le monde s’y met dans tous les domaines.
La preuve : j’ai acheté un tube de gel hydroalcoolique sur lequel était inscrit :
« Clean hands safe life » des mains propres pour une vie sécurisée ou devrais-je sécuritaire, je ne sais vraiment plus comment traduire…
En tout cas dans tout ça,
Oui ! la fête de la musique bat son plein
Nous venons de vivre un 21 juin musical pour lequel le ministère donnait à tous les artistes telle une bénédiction urbi et orbi la mission de chanter tous ensemble : chanson pour ma drôle de vie de Véronique Sanson.
Alors en bon petit soldat, j’anticipe et pour rester dans la chanson française je vous invite à m’aider à choisir celle de l’année prochaine.
J’hésite
J’hésite entre : ils m’entrainent au bout de la nuit les démons de minuit de Emile et Images
est ce que tu viens pour les vacances moi je n’ai pas changé d’adresse de David et Jonathan
On en reparle…
Oui ! enfin, les cinémas et salles de spectacles rouvrent avec des conditions sanitaires allégées. Il n’y a plus de limitation de jauge.
Les spectateurs seront toujours séparés par un siège s’ils n’appartiennent pas au même groupe.
Et aussi admirez la cohérence :
« On porte le masque pour se rendre à sa place, mais une fois qu’on est assis on peut retirer le masque
Oui ! la culture plus forte que l’industrie automobile et le luxe.
Musique, théâtre, cinéma, livres, télévision, radio, presse, arts et jeux vidéo: la culture et la création pèsent plus que l’automobile ou le luxe.
Selon une étude de 2013 des ministères de l’Économie et de la Culture : le secteur de la culture pèse sept fois plus lourd que l’industrie automobile dans le Produit National Brut (PNB) français.
Pourtant à coup de milliard d’aide, l’état court au secours d’Air France-KLM, de Renault, du groupe Accor, et d’autres grandes entreprises dans des secteurs considérés comme des fleurons français. Il oublie la culture.
La moitié des quelque 250 000 intermittents du spectacle, que la crise sanitaire a frappés de plein fouet, n’auront pas droit au chômage.
Le décret de l’année blanche pour les intermittents annoncé le 6 mai n’est à ce jour pas publié.
On espère ne pas voir se confirmer ce proverbe arabe plein de sagesse : les promesses de la nuit sont faites de beurre, et fondent au soleil.
Oui ! la transition écologique est en marche :
La convention citoyenne pour le climat soumet 150 propositions au gouvernement destinées notamment à lutter contre le réchauffement climatique.
Dépêchez-vous si vous rêvez de voir des ours blancs, le 20 juin il a fait 38° en Sibérie au-delà du cercle polaire.
La mélancolie est un plat qui se mange plusieurs fois. La vie continue. Prenez soin de vos prochains !
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